Le chant du merle

Les nuages coulent lentement sur le ciel azur.

Plantée comme un if devant la baie vitrée, Roxanne l’attend. Elle oscille au gré du vent, légèrement en avant pour saisir davantage le spectacle extérieur, sensiblement en arrière dès qu’une trace de souffle trouble la transparence du verre. À l’autre bout de la maison, dans la cuisine, des bruits d’aspiration d’eau, de verres brisés trainés sur le carrelage. Léa devrait être retenue encore quelques minutes.

Un vent de dégel fait frémir les premières feuilles du hêtre. Le merle réapparait sur sa branche. Roxanne sourit, colle les mains contre la vitre. Il entame son chant – voix chaude, flutée, notes claires et fluides – qu’il accompagne d’un mouvement de tête qui semble la presser de le rejoindre. Une bourrasque détache une plume. Elle fait glisser la baie vitrée. Le brouhaha de la cuisine cesse aussitôt. Elle se fige, « Tout va bien Léa, je fais sortir une mouche ». Le pouls bat fort dans les tempes de Roxanne. Les bruits de serpillère reprennent. Elle avance dans l’air vif, l’odeur de terre détrempée, d’humus.

La plume noire aux reflets violets repose sur des brins d’herbe perlés de rosée. Au milieu des branchages, au-dessus d’elle, l’oiseau cesse son chant. Elle entend des pas saccadés sur les dalles de la terrasse, accompagnés de ces bruits d’engrenages mécaniques qui lui crispent les intestins avant même de les associer à Léa.

Elle cache la plume dans son corsage. À peine le temps de se redresser que l’autre est devant elle. Les traits du visage interrogateur. Contre son cœur, elle sent les barbes de la plume. Une fierté sauvage l’envahit alors que la voix légèrement artificielle de Léa entame ses remontrances.

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